Proust fut l’intercesseur de ma rencontre avec Davide Vago, à Milan en 2009, lors de sa passionnante soutenance de thèse, sur la couleur dans À la recherche du temps perdu. Une longue et amicale fréquentation a suivi, qui a conduit à de nombreux travaux communs, autour notamment du groupe de recherche fédéré par le Pôle Proust. Comment cet écrivain réputé pour ses qualités d’introspection et de critique du monde social peut-il orienter vers un questionnement sur la capacité du langage littéraire à rendre compte de notre entrelacement avec les bêtes et le monde sensible ? C’est pourtant lui, avec d’autres auteurs comme Giono ou Genevoix, qui m’avait ouvert, au tournant des années 2000, les chemins de la zoopoétique – ces études animales littéraires fondées sur un dialogue avec les sciences du vivant, tout comme avec la philosophie et l’éthique –, et plus généralement ceux de l’écopoétique. Ce regard qui se dessille pour lire autrement l’œuvre de Proust mais aussi pour envisager la littérature comme un mode d’accès et de relation au sensible et aux vivants, on ne s’étonne plus de le retrouver chez Davide Vago, lui aussi abreuvé à la source vive de la pensée de Maurice Merleau-Ponty.