Une réduction terrible des sons du vivant se produit du fait des activités humaines depuis quelques décennies – autour de 50 % en cinquante ans selon de nombreux scientifiques. Après l’exposition « Le grand orchestre des animaux » autour de l’œuvre du bioacousticien Bernie Krause à la Fondation Cartier pour l’art contemporain en 2016, et plus récemment, à la Philharmonie de Paris, l’exposition « Salgado Amazônia » ou la Nuit blanche « Natures sonores », l’exposition « Musicanimale – Le grand bestiaire sonore » vient enrichir une réflexion profuse sur le son et le vivant. Elle en décale aussi les enjeux, en axant la réflexion écologique sur les relations entre art et animalité. Si les muses de la musique étaient les animaux, et la fantastique variété de leurs expressions chantées, mélodieuses, criées, stridulées, pépiées, ronronnées, frottées, murmurées ? Si nos instruments, nos opéras, nos chansons, nos partitions, nos récits, nos dessins étaient, du fond des âges jusqu’à aujourd’hui, en prise directe ou indirecte sur les formes, les sons, les allures et les rythmes des bêtes ? Si, en retour, leur immense, mystérieuse et infinie expressivité relevait non seulement de fonctions vitales, comme la parade, l’alerte, le combat, la nourriture ou la parentalité, mais aussi de la musique – et en ce cas, en quels sens, au pluriel, du terme ? Ce mot, insiste Bastien Gallet dans le très riche catalogue de l’exposition, ne risque-t-il pas d’écraser ce que nous n’entendons pas, à tous les sens du verbe, et que nous aurions tendance à métaboliser sous un vocable simplificateur ou une activité correspondant à nos schémas corporels et culturels ?